Petit billet d’humeur pour dénoncer une dérive contemporaine.
Tout part d’une histoire dramatique et réelle. Dans la petite localité wallonne de Tillet, un jeune homme de 19 ans est mort. C’est une histoire triste, et on est d’accord que pour les parents du jeune homme la douleur doit être immense.
Les faits : comme le jeune homme était demandeur d’emploi, ses parents ont téléphoné au Forem – l’équivalent de Pôle Emploi en Wallonie – pour signaler le décès et le faire radier des listes. Mais au Forem, quand on efface quelqu’un de la liste des candidats demandeurs d’emploi, ça génère automatiquement un courrier de confirmation à la personne. Ce courrier confirme que la personne n’est plus sur la liste, mais l’invite à se réinscrire si plus tard elle change d’avis. Ben oui, le système a été pensé pour le cas le plus probable de gens (vivants) qui se désinscrivent eux-mêmes. Autre hypothèse plus plausible : il y a sans doute une option pour gérer le cas de gens décédés, et l’employé a tout simplement coché la mauvaise case.
Il est rayé des listes, c’est l’essentiel. C’est juste très con de recevoir un courrier du Forem invitant le jeune homme à se réinscrire à l’avenir. Pas de quoi en faire un fromage.
Ce qui m’interpelle, c’est ce qui vient ensuite. C’est très révélateur d’un drôle d’état d’esprit sous nos contrées.
Le statut de victime est toujours glorifiant. Alors, on aime en rajouter, en faire des tonnes, pour bien se faire plaindre et attirer la sympathie, ou alors se complaire pour jouer le 1000e couplet de David contre Goliath, ou du gentil citoyen contre la méchante administration humaine et insensible.
Et donc, on prend contact avec un journal (la DH), on dramatise à outrance, on monte sur ses grands chevaux, on raconte comment on est atrocement choqués et scandalisés, on irait presque jusqu’à affirmer que c’est comme si le Forem assassinait notre fils une deuxième fois, on exige des excuses officielles de la direction… qui d’ailleurs a réagi sans tarder pour s’excuser car en effet c’était une erreur.
Difficile évidemment de savoir si ce sont les parents du jeune homme qui surréagissent ou si c’est la journaliste qui a déformé leur propos pour aboutir à cet adynaton. Mais on peut se demander pourquoi cette propension à gonfler sans cesse des petites histoires sans intérêt – mais qui serviront à alimenter la rancœur des lecteurs contre le vilain méchant État – là où des douleurs plus atroces dans le monde ne suscitent pas autant d’entrain.
Ayons le réflexe de systématiquement démonter les manipulations, et ne soyons jamais dupes de la manière dont les médias nous dépeignent le monde.