Heure d’été, problème divers

Avant, le marronnier de la presse, deux fois par an, était de refaire le débat pour ou contre l’heure d’été. On interviewe ceux qui sont pour, et ceux qui sont contre, on parle uniquement des aspects ou des tracas de la vie quotidienne, on enrobe le tout dans un beau vernis de « méchants technocrates qui ont décidé ça en haut lieu contre l’avis du peuple » et ça fait un beau petit article. Qui est déjà écrit puisqu’il suffit de reprendre celui de l’année passée.

Mais désormais, les règles dans les pays de l’Union européenne changent. Non seulement on pourra disserter à nouveau du bien-fondé ou pas de supprimer le système, mais on se demandera s’il est bien normal que chaque pays peut décider d’avoir ou non un changement d’heure, et si le choix de tel pays d’opter pour tel fuseau est bien cohérent avec son voisin qui a quant à lui opté pour le fuseau Y, quand bien même ils sont à la même longitude.

Voici quelques propositions pour remettre encore une couche de désordre par dessus ce chaos.

1. Permettre des heures différentes à l’intérieur d’un pays

Parce qu’il n’y a pas de raison de refuser le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Or, à l’intérieur d’un pays il peut y avoir certes des différences de longitude, mais aussi des différences de sensibilité par rapport à ces questions. Surtout dans les États fédéraux, puisque la nature du fédéralisme est précisément de pouvoir créer des législations différentes. La Belgique pourrait par exemple convenir qu’il s’agit d’une « compétence régionale » où la Flandre adopterait l’heure GMT, la Wallonie l’heure CET et la Région de Bruxelles-Capitale oscillerait car elle serait la seule à appliquer l’heure d’été, ce qui la mettrait au niveau d’une des Régions pendant 6 mois de l’année puis de l’autre les 6 autres mois de l’année. Un beau compromis. Les Länder allemands étant plus nombreux, on peut imaginer d’autres solutions encore plus créatives, par exemple un Land de l’Ouest ayant une heure plus matinale qu’un Land de l’Est.

2. Imposer a contrario une heure unique dans le monde

Après tout, la Chine l’a bien fait. Un seul fuseau horaire pour tout le pays, et hop. Et on s’en fout que le soleil se lève à 11 heures et soit au zénith seulement à 16 heures 30 au Tibet, du moment que ça tombe bien à Beijing.

L’idée serait que tout le monde passe dans le fuseau GMT (Greenwich). Facile, plus besoin de régler les montres différemment, manipulations informatiques facilitées. Et on propose à chaque pays d’adopter des règles pour refléter la nouvelle disposition de l’horloge, c’est de toute façon purement conventionnel (par exemple : chez nous, le travail de nuit commence à 13 heures, et l’école est de 23 h 00 à 6 h 00 du matin le lendemain)… ah, finalement, ça risque de créer de nouveaux petits problèmes !

3. Liberté absolue : chaque citoyen choisit son heure

Pourquoi imposer une heure ou un fuseau, finalement ? Alors que le marché pourrait résoudre le problème naturellement.

Dans ce système, chacun choisit son heure librement. Tu es convoqué•e à 8 h 00 mais tu n’es pas du matin ? Recule ta montre et tu seras d’office à l’heure, car tu auras le droit d’arguer que nul ne peut t’imposer son heure, c’est un droit fondamental de l’individu. Chacun doit donc négocier son heure avec son interlocuteur, et c’est généralement le plus fort qui l’emporte. La loi du marché est dure, mais c’est la loi.

4. Les quatre saisons, comme Vivaldi

Fondamentalement, la critique envers l’heure d’été est ce changement brutal d’une heure qui arrive d’un coup. Subitement, les heures de lever et de coucher de soleil sont très différentes par rapport à l’ensoleillement réel. Les animaux (par exemple les vaches qui sont traites à heure fixe… fixée par le fuseau horaire) sont perturbés, etc.

Proposons alors qu’au printemps on avance les montres de 30 minutes, puis 3 mois plus tard, encore 30 minutes au début de l’été. 3 mois plus tard, quand vient l’automne, allons-y pour 30 minutes de moins, et enfin encore 30 minutes de moins au début de l’hiver. C’est comme rajouter des marches d’escalier entre les marches d’escalier, ça permet d’y aller plus doucement.

5. Encore plus d’incréments

Bon, on y va franchement. Plutôt que 4 changements d’heure, on pourrait très bien y aller pour 8 (toutes les 6–7 semaines) ou pour 12 (on pourrait ainsi ajouter 10 minutes chaque premier du mois d’avril à septembre, puis retirer 10 minutes chaque premier du mois d’octobre à mars).

Plus de problème, dans ce cas les différences d’heure ne se voient quasiment plus. Ça va juste faire un paquet de manipulations, de quiproquos, d’erreurs diverses. Pfff, vous n’êtes jamais contents !

6. L’heure liquide

Et c’est parti pour cette phrase magique qu’on nous sort depuis 10 ans : « De nos jours, tout le monde a un smartphone dans la poche. Comment ? Des gens n’ont pas de smartphone ? Oui, mais c’est une toute toute petite minorité, certainement des gens très âgés et réfractaires au progrès, et comme ils seront bientôt tous morts, on aura vraiment 100 % de gens avec un smartphone dans la poche. Comment, ce n’est pas vrai ? Bon, taisez-vous ! »

Les smartphones ont une option bien pratique qui consiste à régler leur horloge en fonction de l’heure envoyée par le gestionnaire du réseau téléphonique.

On pourrait alors imaginer que l’heure varie sans cesse, en réalité chaque jour on ajoute une petite vingtaine de secondes. De toute façon, ce serait généré par les opérateurs téléphoniques eux-mêmes (en se synchronisant bien entre eux, tout de même) et les heures modifiées seraient transmises en temps réel à tous les smartphones. Les gens remarqueraient à peine qu’après 6 mois on se trouve à une heure de décalage par rapport à avant, car tout se serait opéré de façon transparente. Pour les programmes informatiques, quelques petits pépins pour les fonctions de calcul de date, mais si les règles sont très prévisibles et linéaires ça devrait être gérable.

En conclusion

Chaque solution a ses avantages et (clairement) ses inconvénients. Évitons quand même le mélange des genres, ça ferait… mauvais genre.