Petits trucs de langue pour faire passer vos idées.
Axe 1. Ce qu’on défend doit être anthropomorphe pour que les lecteur•rice•s s’identifient plus aisément
- On ne réduit pas la largeur d’une rue, on l’ampute d’une bande.
- Un grand immeuble va nécessairement défigurer un quartier.
- S’il y a un chantier ou même des embouteillages, le quartier sera complètement asphyxié
- Quelques arbres et on parlera de poumon vert d’un quartier.
- On parlera du commerce qui est à l’agonie, rien de moins.
- Un projet de tunnel ou de métro : on éventre la ville.
- Et de manière générale tout projet que l’on combat risque de signer la mort de la qualité de vie d’un quartier, du commerce, de la vie associative, etc.
Axe 2. Le projet honni doit être paré de toutes les tares
- Un projet d’immeuble de logements doit toujours être qualifié de démesuré ou pharaonique, un véritable mastodonte, et si c’est une tour elle est nécessairement géante et conduit à déshumaniser le quartier.
- Ne surtout jamais porter le débat vers une comparaison des avantages et des inconvénients : ne montrer que les inconvénients (le chantier, l’ombre pour les voisins, les conséquences d’une plus grande densité).
- Quand il est question de chantier, il faudra toujours le qualifier de titanesque, interminable et destructeur, et ses effets seront dévastateurs.
- Une option n’est jamais chère, elle est ruineuse.
- Ne jamais hésiter à citer les enfants, les femmes enceintes, les populations fragilisées, les personnes âgées, comme les personnes qui seront les plus touchées, il faut faire pleurer dans les chaumières.
- Plus c’est gros et plus ça passe ; dans son info-lettre du 28 février 2019, Inter-Environnement Bruxelles dénonce une « politique d’empoisonnement systématique de notre milieu de vie et de nos enfants ».
Axe 3. Il faut toujours exagérer les victoires et les défaites des deux camps
- Si l’adversaire a été débouté, fût-ce sur un léger vice de procédure, ne pas hésiter à parler de défaite cuisante.
- User de tous les sophismes pour mettre en doute le projet de l’autre, et affirmer par exemple qu’il a suscité de nombreuses questions (sans dire lesquelles ni qui a mis en doute quoi exactement).
- Si la Justice a donné raison à au moins un de nos arguments, claironner que la vérité a triomphé.
Axe 4. Toujours idéaliser notre camp, celui du peuple, et diaboliser l’autre camp, celui de l’élite sans scrupules
- Implorer la concertation, la consultation populaire, d’écouter les citoyens (ceci quand bien même on trouvera probablement parmi les habitants plusieurs défenseurs du projet que nous combattons).
- Si des comités de quartier se sont déjà manifestés, ne pas hésiter à amplifier leurs voix en évoquant les critiques légitimes et nombreuses qui se sont déjà élevées.
- Si on nous consulte, parler de simulacre de démocratie, ou de « démocratie » (avec des guillemets). Au passage, s’indigner d’avance qu’une consultation implique que le pouvoir aura le droit d’aller contre le résultat des urnes.
- Prêter de viles intentions à l’adversaire : promoteurs immobiliers ou multinationales qui veulent juste faire des profits éhontés, gouvernements qui veulent instaurer le contrôle complet de la population, divers acteurs ayant pour seul but de privatiser l’espace public, etc.
- Plus c’est gros et plus ça passe (ici encore) : ignorer la compétence professionnelle de nos adversaires, et les présenter exclusivement comme de sombres idiots qui poursuivent aveuglément des dogmes ou des doctrines, alors que nous sommes animés par des réflexions et nous nous nourrissons de débats citoyens.
Axe 5. Si nos arguments ont été entendus, on ne peut jamais se déclarer satisfaits, sinon on ne sert à rien
- Cette victoire n’est jamais qu’un premier pas vers quelque chose de plus grandiose.
- Si on a eu un accord sur absolument tout, déclarer alors qu’on restera vigilants quand même, car il faut continuer à se méfier.