La programmation, uniquement pour les initié•e•s ?

Petite réflexion en passant.  Souvent, on me dit que programmer un ordinateur, c’est difficile, c’est vraiment pour des personnes hyper pointues, etc. et qu’il est normal de diviser le monde entre deux classes hermétiques : les gens qui savent programmer les ordinateurs et les autres, qui exécutent passivement les outils qu’on leur fournit.

Il faut bien sûr faire preuve de nuance, mais je vois un parallèle avec au moins deux exemples de la vie courante :

  • manger : on peut bien sûr manger toute sa vie au restaurant, se faire livrer des pizzas ou ne consommer que des plats préparés, mais je pense qu’il y a beaucoup de gens qui cuisinent eux-mêmes, au moins certains jours de la semaine, et qui trouvent ça tout à fait normal, quand bien même c’est une activité qui demande du temps et pour laquelle l’apprentissage et le perfectionnement s’étalent tout au long de la vie ;
  • se déplacer : il y a quand même une majorité d’adultes qui se sont farci•e•s l’apprentissage des règles du Code, l’examen du permis de conduire, qui ont appris les subtilités de la boîte de vitesse manuelle ou des différents boutons du tableau de bord, et qui conduisent eux-mêmes leur véhicule, là où ces personnes auraient éventuellement pu se faire conduire toute la vie en taxi ou en bus, et laisser la conduite à « ceux qui savent ».

La réponse fusera immédiatement : oui, mais quand je cuisine moi-même je peux faire ce que je veux avec les plats : supprimer les ingrédients que j’aime moins, personnaliser, expérimenter…  Et pour la conduite, ce seront des arguments comme la flexibilité qui seront mis en valeur, et peut-être aussi le coût : imaginons d’ailleurs un monde où seuls 5 % de la population ait le permis de conduire et que les 95 % restants soient obligé•e•s de les utiliser comme taxi, on verra imméditement que le côté « captif » de la population sera une opportunité incroyable pour appliquer des tarifs élevés (si vous ne me croyez pas, regardez comment le transport informel fonctionne dans la plupart des anciennes républiques soviétiques, en Afrique, dans certains coins d’Asie, etc.).

Eh bien, bidouiller son ordi, c’est pareil.  Ça peut être un plaisir (comme cuisiner ou conduire), et aussi un défi intellectuel (chercher à comprendre comment fonctionne un logiciel, puis chercher comment obtenir certains résultats de l’ordinateur).  Mais c’est aussi surtout un moyen d’augmenter son autonomie par rapport à des fournisseurs, et de chercher à s’éloigner d’un monde dystopique où il y aurait une ségrégation très nette entre « l’élite qui sait » et la masse des ignorants.  Et quand on connait l’importance que prend le numérique dans nos vies et les enjeux de la sécurisation des données ou de la préservation de sa vie privée, il est plus qu’urgent que l’on ait au sein de la population une augmentation générale de la connaissance en informatique.  J’ai parlé de la programmation, qui est mon intérêt personnel, mais le propos est générique pour ce qui est du fonctionnement général des machines connectées (où est stockée la donnée, est-elle chiffrée quand elle transite d’une machine à l’autre, qui pourrait la lire à mon insu, etc.).