Le français est une langue vivante. Le vocabulaire et l’orthographe ont vocation à changer avec le temps. Comme le rappelait Pierre Perret dans sa chanson La réforme de l’orthographe, Molière écrivait « mercy » avec un Y.
Le débat sur l’évolution de la langue est toujours sensible. Surtout lorsqu’il prend une tournure politique avec des mots se voulant plus inclusifs (« iel »). Et encore, on ne parle pas du point médian ici, qui est surtout un système d’abréviation à l’écrit (petite digression mais entend-on des gens hurler au scandale quand on abrévie « Madame » en « Mme » que l’on écrit « qqch » pour gagner du temps ?)
On n’aime pas choisir entre deux camps. Pour caricaturer à l’extrême, on aurait ainsi deux camps :
* D’un côté, les conservateurs qui ne veulent rien changer, parce qu’à ce train-là on ne parviendra plus à lire Victor Hugo dans le texte, et puis avec tous les efforts mis à apprendre tous les particularismes, ce serait bête de devoir tout ré-apprendre.
* De l’autre, ceux qui défendent le point de vue que la langue appartient à tout le monde et qu’elle doit évoluer d’après les usages.
Vous voulez mon avis ? En fait, chacun a raison. Et chacun a également un peu tort.
Nous plaidons pour des évolutions intelligentes de la langue. On pourrait fixer quelques critères bien choisis.
- Est-ce que ça permet de mieux nous comprendre ?
Si ça permet de désigner les choses de façon plus précises, allons-y. Oui pour des mots exprimant des nouveaux concepts (un psychologue québecois parle par exemple du concept d’humanitude), oui au pronom « iel ».
Si ça sert à embrouiller les esprits, il faut s’en débarrasser. Quand les jeunes disent qu’ils « matent » un film, ça détourne le sens du verbe « mater » (on l’utilise pour dire qu’on regarde mais d’une façon bien précise, et ce deuxième usage introduit alors une ambiguïté qu’on n’avait pas quand on distingue correctement « mater » et « regarder ») et cet usage doit être déconseillé. Pareil pour le mot « souci » qui est de plus en plus utilisé pour éviter le mot « problème », ou pour tous les néologismes dont sont friands les médias et qui n’apportent parfois rien. - Est-ce que ça rend la langue plus logique ?
Certes, ça risque de nous faire accepter un peu à contrecœur des formules comme « boire → ils boivent, donc croire → ils croivent » mais c’est un peu l’idée. Il faut se débarrasser de l’argument selon lequel les exceptions feraient la « beauté de la langue » (critère hautement subjectif). Gardons les accent circonflexes s’ils sont importants pour la prononciation ou s’ils servent à empêcher la confusion entre deux mots (sur / sûr) mais supprimons-les ailleurs. Pareils pour certaines consonnes dédoublées, lettres muettes, etc. lorsqu’il n’y a aucune justification autre que « c’est comme ça, c’est historique, tu comprends ».